VIRELANGUES  


Un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son chien
 : voilà l’exemple le plus connu de ces phrases destinées à mettre à l’épreuve votre habileté à prononcer les mots sans les écorcher, les embrouiller ou les déformer. On appelle cet exercice périlleux un virelangue, néologisme inspiré de l’anglais tongue-twister (tordeur de langue) qui le désigne dans la langue de Shakespeare.

Le virelangue est donc une suite de mots, ou une phrase caractérisée par sa difficulté de prononciation ou par sa difficulté à être comprise de l’auditeur, voire les deux à la fois. C’est le plus souvent un jeu auquel l’on se prête de bonne grâce entre amis et qui consiste à répéter plusieurs fois et de plus en plus vite une séquence de mots en l’articulant sans se tromper.

C’est aussi un excellent exercice de prononciation pour l’apprentissage de la langue française et de diction pour ceux qui sont amenés à parler en public (orateurs, comédiens, présentateurs, etc.). Il arrive aussi que le virelangue soit destiné à piéger une personne pour lui faire dire involontairement une obscénité, comme dans pruneau cru, pruneau cuit

LES GRANDS CLASSIQUES

- Un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son chien.

Il s’agit du virelangue le plus connu en France et probablement le préféré d’Isabelle Mergault. C’est celui que l’on utilise pour corriger le défaut de locution chez les personnes qui zézaient ou zozotent.

- Les chaussettes de l’archiduchesse sont-elles sèches, archi-sèches ?

Comme le précédent, il alterne les sifflantes et les chuintantes. Il est plus particulièrement connu depuis que l’orchestre de Ray Ventura en fit un grand succès populaire en 1937 avec sa chanson Les chemises de l’archiduchesse.

- Si six cents scies scient six cents cyprès, six cents six scies scient six cent six cyprès.

Une variante connue remplace les cyprès par des saucisses et des saucissons, ce qui en rajoute une couche

- Didon dîna, dit-on, de dix dodus dindons.

Variante à rallonge : Didon dîna, dit-on, du dos d’un dodu dindon, mais si Didon dîna du dos de ce dodu dindon, c’est que le dos dudit dindon céda aux doux et doctes coups de ladite Didon.

VIRELANGUES POUR AMENER UNE PERSONNE À DIRE UNE OBSCÉNITÉ

Il est demandé à une personne de répéter plusieurs fois de suite et de plus en plus vite une séquence de mots comportant une contrepèterie jusqu’à ce qu’elle s’embrouille et intervertisse des consonnes ou des syllabes de manière à lui faire dire une obscénité :

- Pruneau cuit, pruneau cru, pruneau cuit, pruneau cru…

- Une main entre les caisses, un doigt dans le trou du fût…

- L'abeille coule, l'abeille coule, l'abeille coule...

- La caille couve au coin du pont, au coin du pont la caille couve…

- La grosse cloche sonne, la grosse cloche sonne...

- Il y a aussi loin de Coutufon à Foncoutu que de Foncoutu à Coutufon...

- Le cuisinier secoue ses nouilles...

 

VIRELANGUES DONNANT L’IMPRESSION DE PARLER UNE LANGUE ÉTRANGÈRE

Une phrase anodine peut être constituée de mots qui, enchaînés rapidement, font entendre une espèce de charabia faisant penser à une langue étrangère :

- Baisse ta gaine, Berthe, que j’ tâte.

- Chat vit rôt, rôt tenta chat, chat mit patte à rôt, rôt grilla patte à chat.

- Tes laitues naissent-elles ? yes, mes laitues naissent.

- Dans un champ mare y a, cane y but, pie n'osa.

- La pie niche haut, l'oie niche bas, où l'hibou niche-t-il ?

- variante : La pie niche haut, l'hibou niche bas. où niche la pie ? où niche l'hibou ?

- Qu’a bu l’âne au lac ? l’âne au lac a bu l’eau.

- Le blé s' moud-y, l'habit s' coud-y ? oui, le blé s'moud, l'habit s'coud.

 

VIRELANGUES D’AUTEUR

Pour les besoins de leur art, certains écrivains, poètes, paroliers ou humoristes (parfois les quatre à la fois) ont créé leur propre virelangue :

- L’ouïe de l’oie de Louis a ouï. Ah oui ? Et qu’a ouï l’ouïe de l’oie de Louis ? Elle a ouï ce que toute oie oit. Et qu’oit toute oie ? Toute oie oit, quand mon chien aboie le soir au fond des bois, toute oie oit « ouah ouah », qu’elle oit, l’oie.
(Raymond Devos)

- Dînant d’amibes amidonnées / Mais même amidonnée l’amibe / Même l’amibe malhabile
Emmiellée dans la bile humide / L’amibe, ami, mine le bide.

(Méli Mélodie, Boby Lapointe)

- Ta Katie t’as quitté / Tic-tac, tic-tac / T’es cocu, qu’attends-tu ? / Cuite-toi t’es cocu / T’as qu’à, t’as qu’à t’cuiter / Et quitter ton quartier / Ta Katie t’as quitté / Ta tactique était toc.
(Ta Katie t’as quitté, Boby Lapointe)

- Ah qu’il est beau, le débit de lait. Ah qu’il est laid, le débit de l’eau. Débit de lait si
beau, débit de l’eau si laid. S’il est un débit beau, c’est bien le beau débit de lait.

(Débit de l’eau, débit de lait, Charles Trenet)

- Pas plus d’appel de la poule à l’Opel que d’opale dans la pelle à Paul.
(Philippe Geluck)

- La pipe au papa du pape Pie pue.
(Jacques Prévert)

- Kiki était cocotte, et Koko concasseur de cacao. Kiki la cocotte aimait beaucoup Koko le concasseur de cacao. Mais Kiki la cocotte convoitait un coquet caraco kaki à col de caracul. Koko le concasseur de cacao ne pouvait offrir à Kiki la cocotte qu’un coquet caraco kaki mais sans col de caracul. Or un marquis caracolant, caduc et cacochyme, conquis par les coquins quinquets de Kiki la cocotte, offrit à Kiki la cocotte un coquet caraco kaki à col de caracul. Quand Koko le concasseur de cacao l’apprit, que Kiki la cocotte avait reçu du marquis caracolant, caduc et cacochyme un coquet caraco kaki à col de caracul, il conclut : je clos mon caquet, je suis cocu !
(Bernard Haller)

 

VIRELANGUES AMUSANTS

- Si huit fruits cuits lui nuisent, donnez lui huit fruits crus !

- Tu t'entêtes à tout tenter, tu t'uses et tu te tues à tant t'entêter.


- Si ces six cents six sangsues sont sur son sein sans sucer son sang, ces six cents six sangsues sont sans succès.


- Seize jacinthes sèchent dans seize sachets secs.


- Sachez, mon cher Sacha, que Natacha n'attacha pas son chat Pacha qui s'échappa. Cela fâcha Sacha qui chassa Natacha.


- C'est pas beau mais tentant de tenter de tâter, de téter les tétons de tata quand tonton n'est pas là.


- Chez les Papous, il y a des Papous papas et des Papous pas papas et des Papous à poux et des Papous pas à poux. Donc chez les Papous il y a des Papous papas à poux et des Papous papas pas à poux et des Papous pas papas à poux et des Papous pas papas pas à poux.


- Et si la cathédrale se décathédralisait, comment la recathédraliserions-nous ?


- Mur pourrit ; trou s'y fit ; rat s'y mit ; chat l'y vit, rat s'enfuit ; chat suivit ; rat fut pris.

VIRELANGUES À L’ÉTRANGER

Les virelangues existent dans toutes les langues. Ce site étant uniquement dédié à la langue française, nous n’en citerons qu’un, pour l’exemple. Il est extrait de la comédie musicale Chantons sous la pluie (1952), prononcé dans une scène mémorable au cours de laquelle le personnage interprété par Gene Kelly prend un cours de diction en anglais :

« Chester chooses chesnuts, cheddar cheese with chewy chives. He chews them and he chooses them. He chooses them and he chews them, those chestnuts, cheddar cheese and chives in cheery, charming chunks. »

traduction : « Chester choisit des châtaignes, du cheddar avec de la ciboulette molle. Il les mâche et les choisit. Il les choisit et il les mâche ces châtaignes, cheddar et ciboulette dans de joyeux, charmants morceaux. »