BARBARISMES ET SOLÉCISMES   

 

Un BARBARISME (du grec barbarismos, qui signifie « façon étrangère de parler) est une faute de vocabulaire qui peut être lexicale (mot déformé ou purement inventé) ou grammaticale (forme verbale inappropriée ou inventée).

Un SOLÉCISME (du grec soloikos, qui signifie « qui fait des fautes en parlant) est une faute de grammaire ou de syntaxe.

Exemples courants de barbarismes lexicaux :

aréoport au lieu d’aéroport
aéropage au lieu d’aréopage (influence du préfixe aéro-)
antidiluvien au lieu d’antédiluvien (influence du préfixe anti-)
arborigène au lieu d’aborigène (influence de arbre, arboré)
astérix au lieu d’astérisque (influence évidente du personnage de BD !)
carapaçonné au lieu de caparaçonné (influence de carapace)
commissairiat au lieu de commissariat (influence évidente de commissaire)
dilemne au lieu de dilemme (influence de indemne)
disgression au lieu de digression (influence de transgression et disgrâce)
formenter au lieu de fomenter (influence de former)
hynoptiser au lieu de hypnotiser
frustre au lieu de fruste (influence de rustre et frustrer)
infractus au lieu d'infarctus
intrasèque au lieu d’intrinsèque
infinidécimal au lieu d’infinitésimal
mémotechnique au lieu de mnémotechnique (influence de mémoire, mémoriser)
omnibuler ou obnibuler au lieu de obnubiler
opprobe au lieu de opprobre (influence de probe)
pécunier/pécunière au lieu de pécuniaire (influence de rancunier/rancunière)
rénumérer au lieu de rémunérer (influence de numéro, énumérer)
périgrinations au lieu de pérégrinations (influence de périple et du préfixe péri-)
réouvrir au lieu de rouvrir (influence de réouverture)
secrétairiat au lieu de secrétariat (influence évident de secrétaire)
tarabusquer
au lieu de tarabuster (influence de brusque et embusquer)

Exemples courants de barbarismes grammaticaux :

Assis-toi au lieu de assieds-toi ou assois-toi
Je vous serais gré de… au lieu de je vous saurais gré de…
Il faut que je voye ça au lieu de il faut que je voie ça
Ils croivent que… au lieu de ils croient que…
Ce que vous disez / faisez au lieu de ce que vous dites / faites


Déjà au XVIe siècle, Clément Marot s'émouvait que l'on ne parlât pas notre belle langue comme on eût dû le faire et il nous le fit poétiquement savoir :

Colin s’en allit au Lendit,
Où n’achetit ni ne vendit,
Mais seulement, à ce qu’on dit,
Dérobit une jument noire.
La raison qu’on ne le penda
Fut que soudain il réponda
Que jamais autre il n’entenda
Sinon que de la mener boire.

Aux barbarismes lexicaux et grammaticaux, il conviendrait d’ajouter les barbarismes de prononciation, tels que :

abasourdi, qui se prononce « abazourdi » (et non « abassourdi »)
almanach, qui se prononce « almana » (et non « almanak »)
gageure, qui se prononce « gajure » (= gage + le suffixe –ure)
handball, qui se prononce « handbal » (et non « handbol »), s’agissant d’un mot allemand
imbroglio, qui doit se prononcer « imbrolio », comme en italien (NB : la prononciation « imbrogli-yo » est néanmoins acceptée par le PLI et le Petit Robert)
lacs, qui se prononce « la » lorsqu’il s’agit du mot singulier signifiant nœud coulant.

Exemples courants de solécismes :

J’ai tombé dans l’escalier au lieu de je suis tombé dans l’escalier
Pallier au manque de provisions au lieu de pallier le manque de provisions
Se rappeler de au lieu de se souvenir de (mais se rappeler quelque chose ou se rappeler que…)
Après qu’il soit parti au lieu de après qu’il est parti
Il s’est en allé au lieu de il s’en est allé
Aller au coiffeur / docteur / dentiste au lieu de chez le coiffeur, chez le docteur, chez le dentiste
Il risque de réussir au lieu de il a des chances de réussir
Un espèce d’engin au lieu de une espèce d’engin
La maison à mon voisin au lieu de la maison de mon voisin
La personne que je te parle au lieu de la personne dont je te parle.

 

Et maintenant, à vous de jouer !

Les 25 phrases suivantes contiennent des barbarismes ou des solécismes.

Corrigez-les.

1) Nous avons convenu qu’il fallait en rediscuter.

2) Et bien, nous y voilà !

3) Ma pipe est cassée parce que je l'ai faite tomber.

4) Si j'aurais su, j'aurais pas venu.

5) C'est tout ce dont je me rappelle.

6) Amène-moi mon casse-croûte.

7) Rends-moi ma poupée. Donne-moi la !

8) J'ai fait à manger pour quatre à cinq personnes.

9) Je suis resté sans voix après qu'il m'ait raconté tout ça.

10) Je ne serai pas d’accord avec lui malgré qu’il le fasse pour moi.

11) Il m’a réclamé une somme conséquente.

12) Il hésite entre deux alternatives : avancer ou reculer.

13) Je voudrais bien savoir qu'est-ce que tu penses.

14) J’ai laissé la clé après la porte.

15) Au jour d'aujourd'hui.

16) Cette boutique est bien achalandée. On y trouve de tout.

17) Toutes mes prévisions se sont avérées fausses.

18) Les saints de glace sont Saint-Mamert, Saint-Pancrace et Saint-Servais.

19) L'amour a anobli son cœur.

20) Ce banquier a d'autant mieux d'argent qu'il fait de bons placements.

21) Ne vous basez pas sur ce que disent les gens.

22) Arrête de bâiller aux corneilles.

23) Vous direz bien le bonjour à votre dame !

24) Comment qu'on vous cause !

25) Cet homme m’a agonisé d'injures.

 

CORRECTIONS :

1) Nous sommes convenus qu’il fallait en rediscuter (ou « Il a été convenu entre nous qu’il fallait en rediscuter », mais « Ils ont convenu d’une heure de rendez-vous »).

2) Eh bien, nous y voilà !

3) Ma pipe est cassée parce que je l’ai fait tomber (mais « Cette pipe, l’artisan l’a faite en bois fruitier »).

4) Si j'avais su, je ne serais pas venu (célèbre phrase du petit Gibus dans le film La Guerre des Boutons d'Yves Robert, sorti en 1962).

5) C’est tout ce dont je me souviens (ou « C’est tout ce que je me rappelle »)

6) Apporte-moi mon casse-croûte (mais « Amène-moi ton ami pour que je lui parle »).

7) Rends-moi ma poupée. Donne-la moi ! (autre erreur courante : « Dis-moi le ! » au lieu de « Dis-le moi ! »).

8) J’ai fait à manger pour quatre ou cinq personnes.

9) Je suis resté sans voix après qu’il m’a raconté tout ça (« après que » est toujours suivi du présent de l’indicatif ).

10) Je ne serai pas d’accord avec lui bien qu’il le fasse pour moi (mais « malgré son intention de le faire pour moi »).

11) Il m’a réclamé une somme importante.

12) Il hésite entre deux attitudes : avancer et reculer (ou « Il hésite devant une alternative »).

13) Je voudrais bien savoir ce que tu penses (ou « Que penses-tu ? Je voudrais bien le savoir »).

14) J’ai laissé la clef sur la porte.

15) Aujourd'hui. À l’origine, « hui » signifiait déjà aujourd'hui. «  Aujourd’hui » est donc un pléonasme. Inutile d’en rajouter !

16) Cette boutique est bien approvisionnée (l’adjectif achalandé veut dire « qui a beaucoup de clients », c’est-à-dire de chalands).

17) Toutes mes prévisions se sont révélées fausses (ou « Il s’est avéré que toutes mes prévisions étaient fausses »)

18) Les saints de glace sont saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais. (NB : on ne met le tiret que lorsqu’il s’agit d’un nom propre, par exemple un lieu, comme Saint-Étienne, Sainte-Adresse, etc.).

19) L'amour a ennobli son cœur (ennoblir s'emploie pour la noblesse morale, anoblir s'emploie pour donner un titre de noblesse).

20) Ce banquier a d'autant plus d'argent qu'il fait de bons placements.

21) Ne vous fondez pas sur ce que disent les gens.

22) Arrête de bayer aux corneilles (c’est-à-dire de rêvasser la bouche ouverte, ce que l’on peut très bien faire sans bâiller !).

23) Vous direz bonjour à votre femme / à votre épouse, de ma part.

24) Comment on vous parle !

25) Cet homme m’a agoni d'injures (mais s’il en était mort, il aurait peut-être agonisé avant de mourir !).