EXPRESSIONS QUÉBÉCOISES
Le Canada compte près de 10 millions de francophones, dont environ 6 millions résident au Québec. Mais il y a un océan entre le français parlé par les Québécois et celui parlé en France. En plus d’une quantité incroyable de mots issus du vieux français ou adaptés de l’anglais, la « parlure » québécoise est riche d’expressions savoureuses dont le sens peut laisser pantois et perplexe tout visiteur français non affranchi. Voici 20 expressions populaires très courantes au Québec. Pouvez-vous en deviner le sens ?
1. Parler à travers son chapeau
a) crier fort
b) parler tout doucement
c) parler à tort et à travers
2. Il pleut à boire debout
a) il pleut beaucoup
b) il neige
c) il y a du blizzard
3. Je cogne des clous devant la télévision
a) je critique l’émission que je regarde
b) je grignote en regardant la télévision
c) je m’endors devant la télévision
4. Attache ta tuque avec d’ la broche
a) ferme bien la porte
b) tiens-toi prêt
c) fais attention à ce que tu vas dire
5. Tirer la couverte de son bord
a) vouloir tout garder pour soi
b) faire son lit
c) faire une promenade sur l’eau
6. Tire-toi une bûche
a) viens te réchauffer à la maison
b) assieds-toi
c) sois le bienvenu chez nous
7. Se faire passer un sapin
a) se faire engueuler
b) se faire ridiculiser
c) se faire avoir
8. Tomber en amour
a) tomber amoureux
b) se faire larguer
c) draguer
9. Niaise pas avec la puck
a) n’hésite pas
b) ne fais pas l’imbécile
c) ne tourne pas autour du pot
10. Accouche qu'on baptise
a) remets-toi tout de suite au travail
b) donne-moi un baiser
c) dis tout de suite ce que tu as à dire
11. Ça m'a coûté une beurrée !
a) cela m’a valu une réprimande
b) cela m’a coûté très cher
c) cela m’a tenu à cœur de le faire
12. Manger ses lacets de bottines
a) aller trop vite
b) être maladroit
c) stresser
13. Gazer son char
a) charger un véhicule
b) faire le plein d’essence
c) aller plus vite que la musique
14. Se faire chanter la pomme
a) séduire quelqu’un
b) faire le fanfaron
c) rire bruyamment
15. Ne pas avoir une cenne
a) ne pas avoir d’argent
b) ne pas avoir de chance
c) ne pas avoir le temps
16. Avoir passé une nuit sur la corde à linge
a) avoir passé une nuit blanche
b) avoir été trempé par une forte averse
c) être fatigué après une mauvaise nuit
17. Avoir des bidous
a) avoir peur
b) avoir beaucoup d’argent
c) avoir soif
18. Avoir l'air de la chienne à Jacques
a) être mal habillé
b) être très sale
c) faire des minauderies
19. Prendre une brosse
a) se faire rembarrer
b) boire beaucoup d’alcool
c) aller aux toilettes
20. Ambitionner su’ l ’pain béni
a) tirer des conclusions hâtives
b) faire une demande en mariage
c) abuser d’une situation avantageuse
SOLUTIONS
1-c : parler à tort et à travers
Malgré le fait que les Québécois soient de grands défenseurs de la langue française, nous utilisons fréquemment des anglicismes. Cette expression est une traduction de « to talk through one’s hat ». Elle signifie parler sans vraiment savoir de quoi on parle.
2-a : il pleut beaucoup (= il tombe des cordes, il pleut comme vache qui pisse).
Au Québec, on adore les métaphores pour parler de la température. Celle-ci est employée en cas d’averse intense ou d’orage. Elle signifie qu’il pleut si fort qu’on pourrait boire debout, en levant simplement la tête vers le ciel. Le verbe « pleuvoir » peut aussi être remplacé par « mouiller » : il mouille à boire debout.
3-c : s’endormir (= être fatigué, lutter contre le sommeil, piquer du nez)
Lorsque l’on cogne des clous, on somnole en position assise. Ici, nous faisons allusion aux mouvements de la tête qui tombe à plusieurs reprises, comparables aux mouvements d’un marteau.
4-b : tiens-toi prêt
Au Québec, une « tuque » signifie un « bonnet d’hiver » et le mot « broche » est utilisé dans le langage populaire pour parler de fil de fer. On fait donc allusion à une tempête qui arracherait le bonnet de celui qui le porte. Cette expression peut être à connotation positive ou négative, dépendamment du contexte. Dans les deux cas, on anticipe une situation qui va décoiffer, qui sera mouvementée et déstabilisante
5-a : vouloir tout garder pour soi (= tirer la couverture à soi, prendre plus que sa part)
Cela signifie s’approprier tous les bénéfices d’une situation ou d’une affaire aux dépens d’autrui. Nous utilisons très souvent le mot « bord » pour parler d’un côté. Quant au terme « couverte », c’est une couverture, dans le langage populaire. On pourrait donc aussi dire « tirer la couverture de son côté ».
6-b : assieds-toi (= prends une chaise/un siège et assieds-toi)
Les Québécois utilisent cette expression pour inviter quelqu’un à prendre une chaise et à s’asseoir. Durant la colonisation française, les habitants avaient très peu de moyens et donc ne possédaient pas beaucoup de meubles dans la maison. Bien souvent, les chaises n’étaient en fait que des bouts de tronc d’arbre coupés à la bonne hauteur.
7-c : se faire avoir (= se faire rouler, se faire arnaquer)
Si quelqu’un vous dit qu’il s’est fait passer un sapin, montrez-lui un peu de compassion. Cela signifie qu’il s’est fait avoir, qu’il a fait une bien mauvaise affaire ou qu’il s’est fait arnaquer. Cette expression tire son nom du sapin baumier qu’on utilise comme sapin de Noël. Pour les ébénistes, ce dernier ne vaut pratiquement rien sur le marché. En effet, les planches de sapin baumier ont tendance à craquer une fois séchées, contrairement à d’autres conifères comme le pin et l’épinette. Autrefois, lorsque les Anglais venaient acheter du bois de construction aux Canadiens français, ceux-ci remplaçaient le bois de qualité par du sapin baumier au moment de la livraison.
8-a : tomber amoureux, tout simplement !
« Tomber en amour » est tiré de l’expression anglaise « tofall in love ». Au Québec, on tombe en amour avant d’être en amour. À noter qu’on peut aussi tomber en amour avec un pays, une ville, une chanson, etc.
9-a : n’hésite pas
Au Québec, la province du hockey, la « puck », c’est la rondelle (le palet que les hockeyeurs frappent avec la crosse). Cette expression est tirée d’un joueur de hockey qui ne sait pas quoi faire avec la rondelle, qui s’éternise et qui n’arrive pas à prendre une décision. Quelqu’un qui « niaise avec la puck » est hésitant et perd son temps. Au contraire, quelqu’un qui « ne niaise pas avec la puck » est très efficace.
10-c : dis tout de suite ce que tu as à dire
Comme en France, dans le langage familier, « accoucher », c’est « cracher le morceau », « dire ce qu’on a à dire ». Quant à « baptiser », c’est rappeler que lorsqu’un enfant vient de naître, on ne doit pas attendre longtemps avant de le faire baptiser.
11-b : ça m’a coûté très cher (= ça m’a coûté la peau des fesses)
Cette charmante expression québécoise veut dire que la personne qui l'emploie a dû débourser une somme très importante pour acheter quelque chose. Une beurrée veut en effet dire quelques chose de très cher.
12-c : stresser
Cette expression Québécoise très amusante signifie en réalité stresser dans une situation ou pour quelque chose, être dans l'incapacité de gérer ou de prendre les choses en main, de se ronger les sangs.
13-b : faire le plein d’essence
Cette expression québécoise très ancienne est assez facile à comprendre si l'on part du principe que le mot char veut dire voiture (car, en anglais) et que gazer veut dire remplir d’essence (gas, en anglais). Gazer son char veut donc dire « faire le plein d'essence pour sa voiture ».
14-a : séduire quelqu’un
Il ne faut pas sortir cette expression sans savoir ce qu'elle signifie, car en effet, se faire chanter la pomme veut tout simplement dire séduire quelqu'un.
15-a : ne pas avoir d’argent (= ne pas avoir un rond, être fauché)
Lorsqu'un Québécois vous sort cette expression, c'est qu'il veut vous dire qu'il est entièrement fauché et qu'il n'a plus un sou en poche. Cenne veut en effet dire argent ou pièce en québécois (le mot n’aurait-il pas pour origine le mot américain cent qui désigne une pièce d’un centime de dollar ?)
16-c : être fatigué après une mauvaise nuit
Cette expression signifie que l'on a passé une très mauvaise nuit, agitée et que l'on manque de sommeil, ou encore que l’insomnie était au rendez-vous et que l'on se sent fatigué.
17-b : avoir beaucoup d’argent (= avoir des pépettes, être plein aux as, etc.)
Le mot « bidou » est probablement un dérivé du vieux français « bidet », qui fut une monnaie du nord de la France jusqu’au XVIIe siècle. Il est encore largement utilisé au Québec pour désigner de l’argent.
18-a : être mal habillé
Il semble que cette expression nous vienne d'un certain Jacques Aubert. Il possédait une chienne malade qui avait perdu tout son poil. L'hiver, son maître l'habillait de vieux vêtements usés. Ainsi, quand on voulait se moquer de quelqu'un qui était mal vêtu, on disait de lui qu'il était habillé comme la chienne à Jacques.
19-b : boire beaucoup d’alcool
Non, cette expression n'a rien à voir avec la coiffure! Autrefois, les Canadiens français avaient pour habitude de se réunir chez leurs amis pour faire la fête. La famille qui recevait procédait à un grand ménage, astiquant toute la maison à l'aide d'une brosse, signe que la fête était pour bientôt. Aujourd’hui, prendre une brosse signifie boire beaucoup d'alcool !
20-c : abuser d’une situation avantageuse
profiter de certains privilèges ou de certaines conditions particulières.
BONUS : AUTRES EXPRESSIONS QUÉBÉCOISES PITTORESQUES
Accordez-vous : arrêtez de vous disputer
Accrocher ses patins : démissionner
À la revoyure : au revoir ou à bientôt
Aller aux vues : aller au cinéma
Avoir de l’eau dans sa cave : avoir un pantalon trop court
Avoir la chienne : avoir peur
Avoir la guédille au nez : avoir la goutte au nez, le nez qui coule
Avoir la gueule fendue jusqu’au oreilles : sourire largement
Avoir les baguettes en l’air : s’énerver
Avoir les bleus : être triste, mélancolique (le blues, quoi !)
Avoir le feu au cul : être fâché, désagréable
Avoir les mains plein de pouces : ne pas être habile de ses mains
Avoir une crotte sur le cœur : en vouloir à quelqu’un, avoir de la rancune
Avoir une patate chaude dans la bouche : ne pas articuler en parlant
Avoir une poignée dans le dos : se faire prendre pour une personne stupide
Branler dans le manche : ne pas être capable de prendre de décisions
Broche à foin : quelque chose de mal organisé
Brûler une lumière rouge : griller un feu rouge
C’est tiguidou : c’est super
Ça me bouillonne dans le fond de la flûte : j’ai une envie urgente d’aller aux toilettes
C’est un beau bébé : se dit pour dire qu’une fille est belle
Chanter la pomme : draguer une personne
Courir la galipotte : avoir de nombreuses aventures amoureuses
Crisser son camp : partir
Donner un bec : donner un baiser
Écrire (faire) à mitaine : faire à la main
En criant lapin : en un rien de temps
Être rendu au boutte : être épuisé ou n’être plus capable
Être beau (ou belle) comme un cœur : être très joli(e)
Être chicken : être peureux
Être un pissou : être peureux, lâche
Face à claque : visage qui ne nous revient pas
Faire faire un rapport au bébé : lui faire faire son rôt
Faire la baboune : faire la tête, faire la gueule
Fermer sa trappe : se taire
Fou comme un balai : content
Fou dans une poche : opportunité facile à saisir
Grand parleur, p’tit faiseur : quelqu’un qui parle beaucoup mais agit peu
Grosse vie sale : vie de celui qui se la coule douce
J’ai vu neiger avant toi : j’ai plus d’expérience que toi
J’en ai en masse ou j’en ai un char puis une barge : j’en ai beaucoup
Je suis tanné : j’en ai marre
Je suis loadé ou je suis dans le jus : j’ai beaucoup de choses / travail à faire
J’ m’en câlisse comme de l’an 40 : ça ne m’intéresse pas
Lâche pas la patate : n’abandonne pas
Lâcher un fiouse : péter
Lâcher un call : passer un coup de fil (en anglais, call = appel)
Méchant brochet : personne stupide
Musique à bouche : harmonica
Ne pas être achalé : ne pas avoir froid aux yeux, être sans gêne
Partir le char : démarrer la voiture
Passer dans le beurre : manquer son coup
Patates pilées : purée de pommes de terre
Pogne pas les nerfs : Ne te fâches donc pas
Pogner les nerfs : faire une crise de colère ou d’impatience
Péter une coche : s’énerver
Péter plus haut que le trou : être snob
Percer des dents : s’énerver sans raison
Partir comme un petit poulet : mourir tout doucement
Rêver en couleurs : voir trop grand
Rare comme d’ la marde de pape : difficile à trouver
Se mettre beau ou belle : être habillé chic
Se prendre pour le boss des bécosses : se prendre pour le patron et agir comme celui qui sait tout
Souffler dans la balloune : passer un test d’alcoolémie quand on est en voiture ou moto
Slaquer la pédale : relâcher l’accélérateur
S’exciter le poil des jambes : s’énerver
Se poigner le moine : ne rien faire, perdre son temps
Sentir le swing : sentir la transpiration
Se faire brasser le canadien : se faire engueuler vivement
Se bourrer la fraise : manger à satiété
Tirer la pipe à quelqu’un : faire une blague à quelqu’un
Torcher les petits : prendre soin des enfants
Ton magasin est ouvert : ta fermeture éclair est ouverte
Tu m’ niaises : tu te moques de moi
Vouloir son biscuit : désirer une relation sexuelle
Virer sur un dix cennes : changer de direction rapidement
Va jouer dans l’ trafic ! : va-t-en !
Y fait pas frette : il fait chaud
Y va manger ses bas : il va avoir des problèmes