PAR QUEL MOT REMPLACER "SMARTPHONE" ?  

La nouvelle fournée des mots des télécommunications parue au Journal officiel et concoctée par la Commission d'enrichissement de la langue française recense une petite dizaine de termes inédits. Elle propose, entre autres anglicismes, de remplacer notre «smartphone» par la locution «mobile multifonction».

Rappelons d'une part que cette nouvelle préconisation remet en cause les prescriptions de la même Commission en 2009 qui conseillaient d'utiliser l'expression «terminal de poche» ou le terme «ordiphone» pour qualifier un « appareil électronique mobile de petite taille assurant par voie radioélectrique des fonctions de communication, telles que la téléphonie ou l'accès à l'internet, et le plus souvent des fonctions informatiques ou multimédias » (sic !). S'il avait fallu en choisir un, le terme "ordiphone" aurait sans doute été le plus acceptable, car assez court et résumant bien les deux fonctions principales de cet appareil (c'est-à-dire téléphone et ordinateur).

Précisions d'autre part qu'il est un peu tard pour vouloir remplacer par un mot "bien de chez nous" un anglicisme déjà parfaitement entré - et ancré - dans les mœurs. Si, en son temps, le mot "logiciel" a su s'imposer en lieu et place du terme anglophone "software", c'est parce qu'il a été créé et recommandé dès les débuts de l'informatisation. Ce n'est hélas pas le cas de "smartphone" (comme bon nombre d'anglicismes liés aux nouvelles technologies !) qui est aujourd'hui aussi banal et répandu que "téléphone".

Ajoutons enfin que ce n'est certainement pas une expression telle que "mobile multifonction", comportant pas moins de huit syllabes (sans compter le "e" muet"), que l'homme moderne va substituer au "smartphone", même si, reconnaissons-le, ce mot n'est pas d'une prononciation aisée pour un francophone. L'homme moderne, en effet, dans un monde où tout va de plus en plus vite, est plutôt enclin à multiplier les abréviations, les sigles, les acronymes et - hélas - les anglicismes qui sont capables de condenser en quelques lettres des notions pour lesquelles la langue française devrait avoir recours à plusieurs mots, voire plusieurs phrases !

Ces messieurs de la Commission d'enrichissement de la langue française auraient donc dû être plus réactifs et prendre le taureau par les cornes dès l'apparition de cette nouvelle technologie. En matière de langage, c'est l'usage qui établit la règle, et non l'inverse. Il est donc peu probable que "mobile multifonction" vienne changer nos habitudes. Comme on dit, après l'heure, c'est trop tard !