KAKEMPHATONS   

 

Le kakemphaton (du grec κακέμφατος , « malsonnant ») est un groupe de mots, voire une phrase, que l'on peut entendre de plusieurs façons. C’est la rencontre involontaire de sons d'où résulte un énoncé incongru, équivoque, cacophonique, ridicule ou déplaisant. L’exemple le plus connu est sans doute celui-ci : « J'aime manger épicé » (= j'aime manger et pisser).

Le kakemphaton est le plus souvent involontaire. Que son auteur soit un écrivain célèbre ou un modeste anonyme, une interrogation subsiste toujours : l’a t-il fait exprès ou bien s’agit-il d’un (mal)heureux hasard ?

Le kalemphaton donne un tout autre sens à la phrase, provoquant généralement le rire ou la surprise aux moments les plus inattendus, même chez les auteurs les plus sérieux, tels que Corneille ou Victor Hugo !  Jugez-en par vous-même :


« Je suis romaine hélas, puisque mon époux l'est »
Corneille, dans Horace (1640)
NB : Corneille dut corriger cette maladresse en modifiant le vers ainsi : « Je suis romaine hélas, puisqu'Horace est romain ».


« Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle,
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule 
»
Corneille, dans Polyeucte (1638)


« J'en sortirai du camp, mais quel que soit mon sort,
J'aurai montré, du moins, comme un vieillard en sort 
»
Adolphe Dumas, dans Le Camp des Croisés (1838)
NB : l'attribution fréquente à Victor Hugo ou à Alexandre Dumas est une erreur. Victor Hugo était le premier à rire de cette plaisanterie, et, quand elle survenait, il ne manquait jamais d’ajouter : « Tout en faisant des vers comme un vieillard en f'rait ».


« J'habite à la montagne et j'aime à la vallée »
Charles-Victor Prévost, vicomte d'Arlincourt, dans Le Siège de Paris (1827)


« Sur le sein de l’épouse, il écrasa l’époux »
Charles-Victor Prévost, vicomte d'Arlincourt, dans Le Siège de Paris (1827)


« L'amour a vaincu Loth ! »
Simon-Joseph Pellegrin (1663-1745), dans Loth (livret d’opéra)


« Car ce n'est pas régner qu'être deux à régner »
Corneille, dans La Mort de Pompée (1641)


« Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend »
Victor Hugo, dans le poème Souvenir de la nuit du 4, dans Les Châtiments (1852)


« Le roi de Perse habite, inquiet, redouté... »
Victor Hugo, dans La Légende des Siècles (1859)


« Quoi ! Je ne t'ai point dit quelle était ma querelle ? »
Jean-Galtier Boissière, dans Le Crapouillot ( ?)


« Non il n’est rien que Nanine n’honore »
Voltaire, dans Nanine, ou le préjugé vaincu (1749)


« Vierge non encor née, en qui tout doit renaître »
Jean-Baptiste Rousseau (1671-1741), dans Ode à la postérité
NB : Voltaire, trouvant que la valeur de l'œuvre ne justifiait nullement son titre, déclara avec esprit : " Le poème n'arrivera pas à son adresse ». Ce en quoi il se trompa, puisque le poème et son auteur sont parvenus jusqu’à nous grâce à ce kakemphaton !


Le kakemphaton se fait plutôt rare de nos jours. S’il fallait n’en citer qu’un, ce serait celui de Charles Trenet dans sa chanson À la porte du garage, en 1958, quand il chantait : « Je t’attendrai à la porte du garage ». Sachant que le Fou Chantant était plutôt attiré par les hommes, on pouvait bien y entendre : « Je tâte André à la porte du garage » !