LETTRES SOUDÉES : Æ ET Œ   

 

Les lettres soudées « œ » et « æ » sont considérées comme un seul caractère. On les désigne par divers noms, tels que : ligature, lettres soudées, lettres doubles, lettres liées, voyelles liées,     œ liés, o-e liés, œ collés, o-e collés , ae liés, a-e liés, ae collés, a-e collés, ⁠a e-dans-l’a, e dans l’a, e dans l’o, digrammes, ligature ae (ou œ), caractère æ (ou œ) ligaturé…

LA LIGATURE "Æ"

C’est un graphème qui intervient dans des mots qui reprennent la diphtongue latine « ae » que l’on trouve soit dans des mots qui ont conservé leur forme latine (æpyornis, æschne, æthuse, althæa, cæcum, chamærops, élæis, nævus, tænia, uræus), soit dans des noms propres hérités du latin (Lætitia). C’est également le cas de certaines expressions latines, comme curriculum vitæ, et cætera, ex æquo ou lapsus linguæ. Toutefois, certaines expressions latines, telles que vae victis ou Dies Irae, ne s’écrivent pas avec la ligature.

Bizarrement, les Romains n'employaient pas de ligature. Le graphème « æ » est en fait d'origine médiévale. La diphtongue latine « ae » s'est réduite à l'époque romane en « é » (par exemple César au lieu de Caesar).

En français moderne, ce graphème se prononce « é » (ex æquo, tænia) ou « è » (æschne).

Il faut faire attention à ne pas confondre la ligature « æ » avec le groupe « ae », présent dans les types de mots suivants  :

1) mots contenant le groupe « ae »

- mots d'origine italienne ou espagnole dans lesquels le groupe « ae » forme deux syllabes : maestoso, maestro, maestria, paella ;

- nom alsacien baekeoffe (prononcez « bè »), dans lequel « ae » transcrit la lettre « ä » de bäkeoffe ;

- noms d'origine néerlandaise, dans lesquels « ae »  se prononce comme un « a » long : groenendael, maelström ;

- mots d’origines diverses : taekwondo, reggae.

NB : le nom Laennec, d'origine bretonne, s'écrit sans tréma, ni accent. On prononce le « a » et le « é » à la suite.

2) mots contenant le groupe « aë »

Le tréma indique une lettre non prononcée, comme dans Nicolas de Staël (prononcez « stal ») ou Camille Saint-Saëns (prononcez « sansse »). La graphie néerlandaise Maëstricht correspond à Maastricht en français, prononcé avec un « a » long.

Le tréma peut également indiquer la disjonction des voyelles : le taël, le maërl. Il en va de même dans Nathanaël, Judicaël ou les autres noms d'origine hébraïque comme Raphaël, Israël ou Ismaël.

3) mots contenant le groupe « aé »

Dans les mots contenant le groupe « aé », on prononce le « a » et le « é » à la suite, comme dans aéroport, aérien, aétite, gaélique, israélien, phaéton, etc..

LA LIGATURE "Œ"

C’est un graphème utilisé en latin médiéval et moderne, ainsi qu’en français. Dans les mots d'origine latine contenant « œ », la présence du « o » est étymologique : il a été ajouté à la Renaissance pour indiquer la filiation de ces mots avec les dérivés d'origine savante, comme pour bœuf et bovin, chœur et choral, cœur et cordial. Un autre argument a joué en faveur de cette écriture, celui de la longueur des mots. En effet, les monosyllabes nécessitaient, selon les théories de Sylvius, l'emploi de quatre ou cinq lettres afin d'obtenir un mot suffisamment lisible par l'œil. Ainsi le mot « uef » devint-il « œuf ».

Un certain nombre de mots français comportant les lettres « o » et « e » non ligaturées sont néanmoins écrits par erreur avec un « œ ». C’est le cas de coefficient, moelle, Phoenix, loess, foehn, ainsi que de certains noms propres d’origine étrangère, comme Goethe, Monroe ou Schoenberg.

Une règle conventionnelle veut qu'en français, la ligature « œ » se prononce /ø/ ou /œ/ lorsqu’elle est suivie d’une voyelle, comme dans œil, œuf ou nœud, et /e/ ou /ɛ/ lorsqu’elle est suivie d’une consonne, comme dans œsophage (« ésophage »), Œdipe (« Édipe »), œstrogène (« èstrogène »). Il s’agit là d’un procédé mnémotechnique qui peut être utile mais qui reste susceptible d’exceptions.

La seule règle rigoureuse est celle de l’étymologie latine (prononciation : /ø/ ou /œ/) ou grecque (prononciation : /e/ ou /ɛ/). La seule exception à cette règle est le mot fœtus, qui vient de latin fetus et est écrit avec « œ » à cause d’une erreur étymologique. De même, « œ » se prononce /ø/ ou /œ/ dans certains mots venant des langues germaniques, comme œrsted ou lœss.

Exemples de mots français contenant « œ »

- mots dans lesquels « œ » se prononce en principe « é » (/e/), mais plus souvent « eu » (/ø/) : Œdipe, cœlacanthe, œcuménique, œdème, œdicnème, œnologie, œsophage ;

- mots dans lesquels « œ » se prononce en principe « è » (/ɛ/), mais plus souvent « eu » (/ø/) : œstrogène, œstrus ;

- mots dans lesquels « œ » se prononce [œ] : bœuf, chœur, cœur, manœuvre, mœurs, œil, œrsted, œuf, œuvre, rancœur, sœur, œillet ;

- mots dans lesquels « œ » se prononce [ø] : bœufs, œufs, nœud, vœu, écœurer.

Il faut faire attention à ne pas confondre la ligature « œ » avec le groupe « oe », présent dans les types de mots suivants  :

1) mots comprenant une semi-consonne et une voyelle, donnant le son « wa », comme dans moelle, moellon, moelleux. Poële et ses dérivés poêlon, poêlée, poêler, poêlier, rentrent dans cette catégorie et dans la suivante ;

2) mots ou noms comprenant un accent ou un tréma dans le digramme « oe » : goéland, Noël, Noé, Joël, Siloé, Méroé, Monroë ;

3) noms d'origine anglaise où le digramme « oe » est prononcé [o], comme dans Defoe, Poe, John Doe  ;

4) noms ou mots d'origine néerlandaise où le digramme « oe » est prononcé « ou », comme dans Boer, moere et groenendael ;

5) mots formés avec le préfixe co- devant la voyelle « e », comme coefficient, coercitif, incoercible, coexister, coéquipier ;

6) noms d'origine germanique où le digramme « oe » est prononcé « eu », comme dans foehn, loess, roesti et roentgen. De même, il n'y a pas de ligature dans Goethe, Schroeder, Oehmichen, Schoenberg ;

7) mots formés à l'aide d'autres éléments grecs terminés par la lettre « o » : gastroentérite, leucoencéphalite, neuroendocrinien, etc. ;

8) l’adjectif minoen (au féminin, minoenne), dans lequel le « en » est la marque de l’adjectif se rapportant à Minos.

Pour terminer, précisons que les mots commençant par ou comprenant les lettres soudées « æ » ou « œ » sont classés dans les dictionnaires selon l’ordre alphabétique normal, comme si les deux lettres étaient séparées. Ainsi æthuse est-il toujours classé avant aétite.

Concernant l’utilisation de la majuscule, on doit toujours utiliser les caractères majuscules Œ ou Æ si la ligature commence une phrase ou un nom propre, car les deux voyelles doivent être écrites en majuscules. Exemples :

Œil pour œil, dent pour dent.
Le complexe d’Œdipe est une découverte de Sigmund Freud.
Les Ægates sont des îles proches de la Sicile.