FAUX ANGLICISMES   

Un faux anglicisme est un mot construit à partir d’un élément de vocabulaire dont l’origine anglaise évidente porte à attribuer faussement l’étymologie anglaise à la totalité de la construction.

La forme équivalente en anglais pourra être proche, mais pas identique : il ne s’agit donc pas d’un anglicisme au sens strict. Cela portera le locuteur dont la langue maternelle n’est pas l’anglais à employer le faux anglicisme plutôt que la forme équivalente lorsqu’il s’exprime en anglais.

En plus clair, les faux anglicismes sont des termes qui ont le goût, la saveur et la couleur de l’anglais, mais qui ne sont pas de l’anglais. À cela plusieurs raisons possibles :

1) le mot existe en anglais, mais il ne possède pas le même sens. Ex. : slip, flipper ;

2) le mot existe en anglais, mais il possède une forme plus développée. Ex. : goal (au lieu de goal-keeper), dancing (au lieu de dancing-house) ;

3) le mot change de catégorie grammaticale. Ex. : catch, shampooing ;

4) le mot associe un élément formant français à un élément d'apparence anglaise. Ex. : surbooking, forcing

5) le mot n'existe pas en anglais, c'est une création du français avec une terminaison à l'anglaise. Ex. : aquaplaning, pin’s, recordman .

Bien souvent, le faux anglicisme se signale par le suffixe « –ing », très fréquent dans la langue de Shakespeare et qui sonne donc anglais, ou par le suffixe « man » (« woman » au féminin). Certains mots sont des créations humoristiques ou familières ; d'autres sont entrés dans le dictionnaire par la force de l’usage.

Une fois entré dans la langue courante, le faux anglicisme peut se mettre à évoluer et donner lieu à des mots dérivés. Ainsi, relooking, fabriqué à partir de look avec le préfixe re- et la terminaison anglaise –ing, va donner le verbe relooker, puis relookage et relookeur.

Voici une liste (non exhaustive) des principaux faux anglicismes :

AMPLI-TUNER : 1967, du français amplificateur et de l'anglais tuner

AQUAPLANING : 1968. De aquaplane, planche tirée sur l'eau (1920), formé à partir du latin aqua et du verbe planer. Recommandation : aquaplanage, hydroglissage.

BABY-FOOT : 1951. L'anglais possède table football et l'américain table soccer. L’élément baby (bébé, en anglais) évoque la taille miniature du jeu par rapport à un terrain de football. L'abréviation de football en foot est purement française. En anglais, foot signifie « pied ».

BALL-TRAP : 1880, de ball ou balle, boule, et trap, appareil à ressort. L'anglais parle de trap shooting ou clay-pigeon shooting pour le tir aux pigeons, l’américain skeet shooting.

BASKET(S) : Chaussure(s) de sport, à l’origine pour jouer au basket-ball (1953). L'anglais utilise basket trainers, basket shoes ou sneakers.

BOWLING : 1907. Forme réduite de bowling alley, au sens de salle de bowling, c’est-à-dire où l’on pratique le tenpin bowling (littéralement « lancer de boules sur des quilles »).

BRUSHING : 1966. De to brush, brosser. L'anglais emploie blow-dry ou blow drying, le fait de souffler en séchant. Le brushing est la mise en forme des cheveux à l’aide d’une brosse et d’un séchoir.

CADDIE : 1952. Nom de marque déposé pour le chariot de supermarché. L'anglais utilise trolley, l'américain cart. L’anglais caddie désigne le garçon qui porte les clubs du joueur sur un parcours de golf.

CAMPING : 1903. Au sens de terrain aménagé pour camper, le mot n’existe pas en anglais sous cette forme. L’anglais emploie campsite, l’américain campground.

CAMPING-CAR : 1974. L'anglais emploie motor home, camper van ou camper. La recommandation officielle (1992) est autocaravane.

CARAVANING : 1931, de l'anglais caravan (caravane, roulotte). Par imitation de camping, le français a formé le terme caravaning pour désigner le tourisme en caravane. Dérivé : camping-caravaning.

CARTER : 1891. Du nom de l'inventeur de cette partie d’un moteur. L'anglais dit casing

CATCH : 1919. En français, le mot catch désigne un sport de lutte. Il provient de l’expression anglaise catch as catch can (attrape comme tu peux). L’anglais parle de wrestling ou all-in wrestling.

CHIPS : 1920. Le mot est l'abréviation de l'américain potato chips, littéralement copeaux ou fines tranches de pomme de terre. En Grande-Bretagne, le mot désigne des pommes de terre frites, soit des frites ou des french fries. Les chips sont nommées potato crisps à partir de crisp, croustillant. Le terme québécois est croustilles.

CLAPMAN : 1950. À partir de clap (1952), troncation de clapperboard, planche à claquoir, dérivé de to clap, claquer. L'anglais utilise clapper boy.

COUNTRY : 1972. Style de musique très populaire aux États-Unis et… dans les campagnes françaises, où l’on danse en bottes et chapeau de cow-boy ! Les Américains parlent de country-music (du mot country, campagne). Les Français prononcent « coune-tri » ou « ca-oun-tri », pour faire plus américain, alors que la véritable prononciation est à peu près « conn-tri » [kyntri].

DANCING : 1919. Forme réduite de dancing-house, salle de danse. L'américain utilise dancehall ou night-club.

DRESSING : 1972, à partir de dressing-room, 1960. Le français devrait dire garde-robe, vestiaire ou lingerie, alors que l’anglais dit walk-in closet.

FERRY(-BOAT) : apparaît d'abord comme ferry (1782), puis comme ferry-boat (1848). Il s'agit d'une fausse interprétation de to ferry (transporter par voie ferrée), avec l’ajout de boat, bateau. L'anglais utilise car ferry pour les navires transportant à la fois des personnes et des véhicules. La recommandation officielle (1992) est transbordier. Les Québécois parlent de traversier.

FLIPPER : 1964. Du verbe to flip (secouer, donner une chiquenaude). Il désigne en réalité le mécanisme placé dans un billard électrique qui sert à renvoyer la bille vers le haut. Pour désigner ce jeu de boules des temps modernes, l'anglais emploie pinball game, pinball table ou pinball machine.

FOODING : 2002. Création snob à partir du nom food, nourriture, et d'une terminaison verbale en –ing, ou un néologisme formé par amalgame de food et feeling (ressenti, sentiment).

FOOTING : 1885. Le terme n'existe pas en anglais dans ce sens, puisque le terme équivalent est hiking. La dérivation à partir du verbe to foot (aller à pied) est néanmoins logique. L’anglais utilise jog.

FORCING : 1912. Terme employé d'abord en sport, puis au bridge, enfin dans un sens métaphorique plus général. Création bien de chez nous à partir du verbe français « forcer ».

GOAL : 1894. Forme réduite de l’anglais goal-keeper, gardien de but. Goal tout seul signifie but, objectif.

JOGGING : 1974. Ellipse de survêtement de jogging. Le terme jogging désignant une activité sportive date de 1964, il provient du verbe to jog, trottiner, trotter. L'anglais utilise tracksuit, tenue de piste. Voir aussi training.

KLAXON : 1911. Le mot (formé à partir du grec klaxein, retentir) est celui de la firme américaine qui fabriquait les avertisseurs sonores destinés aux automobiles. Les voitures anglaises ou américaines sont, elles, équipées d’un horn ou car horn.

LIFTING : 1955. Forme réduite de face lifting ou facelift, relèvement du visage (de to lift, soulever). Les recommandations officielles sont lissage ou remodelage (1975).

LIVING : 1954. Forme réduite de living-room (1856). Le français a déjà salle de séjour, le québécois « vivoir ».

MAIL : Forme réduite de l’anglais e-mail, courrier électronique (1994). En anglais, le mot mail tout seul signifie simplement courrier. Recommandation officielle : courriel ou mél.

MAILING : 1970. Le terme anglais signifie mise au courrier postal et n'est donc pas restreint à la publicité comme en français où il s’applique à l’envoi en masse de courrier publicitaire, qu’il soit par voie postale ou par informatique.

MOBBING : 2003. Rassemblement de foule en apparence spontané, en fait sur un mot d'ordre. À partir de l'anglais mob, foule hostile. Le terme désigne aussi une forme de harcèlement moral.

PANTY : 1960. Forme réduite de panty girdle ou pantie girdle, à partir de pantie, petite culotte de femme, et de girdle, gaine.

PARKING : 1925. L'anglais utilise car park, l'américain parking lot ou parking space. En anglais, le terme parking (formé à partir de to park, se garer, stationner) ne désigne donc pas l'endroit où stationner mais le fait de stationner. Le français devrait préférer « parc de stationnement ».

PEOPLE : 1988. La presse people nous dévoile les petits secrets de la vie privée des vedettes et autres personnalités en vue. Le terme vient de people journalism, mais les anglophones n’utilisent pas le mot people seul pour parler de ce qu’ils nomment celebrity.

PERCHMAN : 1952. Le mot est formé sur le français perche et l'anglais man. L'anglais dit boom operator. Le mot boom désigne la perche pourvue d'un micro. Recommandation officielle de 1985 : perchiste.

PICK-UP : 1970. Au sens de camionnette, le mot provient de pickup truck, camion de ramassage. Au sens de tourne-disque, le mot provient du verbe to pick up (ramasser, recueillir) utilisé pour désigner le dispositif servant à recueillir et transformer en courant variable des vibrations sonores enregistrées sur disques (c’est-à-dire le lecteur).

PIN'S : 1989. Mot formé à partir de pin, épingle, et avec une apostrophe faussement anglaise afin de maintenir la prononciation de la consonne. Recommandation officielle : épinglette.

PIPI-ROOM : forme hybride et humoristique formé par imitation de living-room.

PLANNING : 1940. Formé à partir du verbe to plan (prévoir), ce mot n’existe pas sous cette forme en anglais, qui le traduira par schedule.

PLAYBACK : 1930. Dans le sens d’interprétation mimée d’un enregistrement sonore par un chanteur (une pratique fréquente dans les années 1970 !), ce mot se dit lip-sync en anglais. Pour les anglophones, le terme playback signifie « lecture » (de ce qui est enregistré sur une bande ou un disque)

PRESSING : 1935. Mot formé sur le verbe to press, repasser à la vapeur. Le sens de magasin de teinturerie ou de nettoyage n'existe pas en anglais, on emploie cleaners', dry cleaners ou dry cleaning service.

PULL : d'abord pull-over (1920), puis pull (1930). De to pull over, tirer par dessus. L'anglais utilise pullover, sweater ou jumper.

PUZZLE : 1909. En France, un puzzle est un jeu de patience consistant à reconstituer une image à partir d’éléments découpés aux formes irrégulières. Le mot vient de l’anglais puzzle qui signifie casse-tête ou énigme. On dit par exemple crossword puzzle pour un problème de mots croisés. Dans les pays anglo-saxons, le puzzle des français se dit jigsaw puzzle (jigsaw = scie sauteuse, outil avec lequel on découpe les pièces du puzzle).

RECORDMAN : 1883. Recordwoman : 1896. L'anglais possède record holder, détenteur d'un record.

RELOOKING : ce faux anglicisme est construit à partir de l’anglais look (aspect extérieur) avec le préfixe re- et la terminaison anglaise –ing. Il a donné le verbe relooker (1985), puis le nom relookeur, relookeuse. Le mot relooking n’existe pas en anglais, qui utilise le terme makeover.

RUGBYMAN : 1909. L'anglais utilise rugby player. On entend plus souvent aujourd’hui « joueur de rugby ».

SCOOTER : 1919. Forme réduite de motor scooter, patinette à moteur, de to scoot, détaler

SELF : 1949. L'anglais utilise self service restaurant ou self service, restaurant où l'on fait soi-même le service, de self (soi-même).

SHAMPOOING (ou SHAMPOING) : 1877. L'anglais a emprunté un verbe hindi qui voulait dire masser, presser. Le verbe to shampoo a d'abord signifié « se laver les cheveux », d’où la forme shampooing (l’action de se laver les cheveux). L'utilisation en France au sens de savon a eu lieu assez tôt, vers 1890.

SLIP : 1913. De to slip, glisser, donc enfiler facilement un vêtement. L’anglais slip désignait une combinaison pour femme, portée sous une robe. Pour le sous-vêtement moderne que nous connaissons, l'anglais utilise briefs pour le slip d'homme, panties pour le slip de femme, et underwears, underpants en général (sous-vêtements).

SMOKING : 1888. Forme réduite de smoking jacket, veste d'intérieur. L'anglais utilise pour le costume complet dinner jacket, l'américain tuxedo.

SNACK : 1958, d'abord snack-bar (1933). En anglais, le snack est un casse-croûte, un repas léger, mais ne peut pas être utilisé pour désigner le restaurant, comme en français.

SPEAKERINE : 1953. De speaker, présentateur, annonceur, avec un suffixe en -ine emprunté à l'allemand pour le féminin. Le français speaker (1931) veut dire orateur ou président de séance, alors que l’anglais emploie announcer à la place.

SPONSORING : 1972. De to sponsor, parrainer, patronner. Recommandation officielle : parrainage.

STANDING : 1953. Le terme n'existe pas en anglais au sens de luxe, grand confort d'une habitation. Il provient du mot standing, introduit en France en 1928, utilisé au départ avec le sens de position économique et sociale. En français, on dirait haut de gamme, de qualité ou de luxe.

STRING : 1977. De string bikini, bikini à cordelette (string = ficelle). En français, cache-sexe.

SURBOOKING : 1965. Calque partiel de overbooking, location en excédent, avec le préfixe français « sur ». Recommandation officielle : surréservation, surlocation. L’adjectif « surbooké » (1985) est dérivé de ce terme.

SWEAT : Haut de vêtement de sport. Abréviation courante de sweat-shirt (1939), littéralement « maillot pour transpirer ». La prononciation « swit » (par mimétisme avec beat, blue-jean, etc.), couramment entendue en France, est erronée, puisque le mot anglais sweat (sueur) se prononce « swèt ». On retrouve la même erreur avec le nom du président américain Reagan, qui se prononce « régane » aux États-Unis, mais que tous les journalistes francophones prononçaient « rigane », pour faire plus anglais !

TALKIE-WALKIE : 1945. Inversion du terme anglais walkie-talkie, formé à partir de to walk (marcher) et to talk (parler).

TAXIMAN : 1966. Forme humoristique pour taxi driver, chauffeur de taxi.

TENNIS : 1950. Au sens de chaussure de sport, c’est une forme réduite de tennis shoes (chaussures pour jouer au tennis)

TENNISMAN : 1903. L'anglais emploie tennis player. Préférer joueur, ou joueuse de tennis à tenniswoman.

TRAINING : 1956. Au sens de vêtement de sport, le français s’est inspiré du mot training, signifiant entraînement sportif. L'anglais emploie tracksuit, (tenue de piste).

TRAVELLING : 1930. Forme réduite de travelling-camera, du verbe to travel (voyager). Les cinéastes anglo-saxons parlent de tracking ou tracking shot.

TRENCH : 1920, forme réduite de trench-coat (avec un tiret), adapté de trench coat, manteau de tranchée. Né durant la Première Guerre Mondiale, ce manteau était porté par les officiers britanniques pour les protéger des intempéries.

VOIX OFF : 1944. Forme réduite de off screen (hors de l’écran). Les techniciens anglophones emploient le terme voice-over.

WARNING(S) :  1980. Forme réduite de warning lights (voyants lumineux d’avertissement), de to warn (avertir d'un danger). Recommandation officielle : feux de détresse.

WATER(S) : 1913. Abréviation de water-closet (lieu d’aisances). En anglais, le mot water employé seul signifie « eau ». Pour se soulager, les Anglais vont aux toilets ou the loo.

WATTMAN : 1895. Conducteur de tramway. Wattman vient évidemment du mot watt qui est une unité de puissance utilisée en électricité, source d'énergie du tram, et de man (homme). Le wattman était responsable de la dispensation de la puissance électrique dans le moteur, au moyen d'un volant qui ne servait évidemment pas à diriger le véhicule, puisque celui-ci était guidé par ses rails. L'anglais ne connaît pas ce mot : il désigne le conducteur d’un tram par le mot tram driver.