ANGLICISMES QUI ONT POUR ORIGINE UN MOT FRANÇAIS   

 

Les anglicismes font aujourd'hui partie intégrante de notre quotidien. Souvent employés par pur snobisme, ils sont partout : de la technologie à la politique, en passant par le sport et la culture, les emprunts à l’anglais ont tendance à s’accélérer depuis deux ou trois décennies.

Pour autant, il ne faudrait pas oublier que le français est à l’origine d’un très grand nombre de mots anglais, puisqu’ils représentent tout de même 28 % du vocabulaire des dictionnaires anglais !

L’explication remonte au Moyen Âge. En envahissant l’Angleterre et en s’emparant du trône, Guillaume le Conquérant fit du français la langue officielle du royaume. Et cela dura suffisamment longtemps, au moins jusqu’à la guerre de Cent ans, pour que le français laisse une empreinte indélébile dans la langue de Shakespeare.

De nos jours, un certain nombre de mots importés d’outre-Manche ou considérés comme des anglicismes trouvent en réalité leur berceau dans l'Hexagone. Mais on a depuis longtemps oublié qu’avant de faire le trajet Londres-Paris, ils avaient d’abord fait le chemin inverse.

En voici quelques exemples.

BAR est issu du moyen anglais barre, lui-même emprunté à l'ancien français barre, signifiant « barrière ». Comme les consommateurs étaient servis derrière une rampe ou une balustrade qui les tenaient éloignés du comptoir, le mot barre s'est appliqué par métonymie au comptoir lui-même. Quand il désigne l’établissement, le mot bar est l’abréviation de l’anglais bar-room.

BUDGET, qui en Angleterre était utilisé pour parler des finances, doit son nom à l'ancien français bougette, signifiant « sac de cuir ». La bougette était un petit sac dans lequel le trésorier mettait de l'argent. Suspendu à la selle du cheval, il bougeait alors au rythme de l'animal.

MAIL  est en France l’abréviation usuelle de l’anglais e-mail, abréviation de electronic mail, « courrier électronique ». Le mot anglais mail est issu du français malle, qui désignait au XIIe siècle un sac ou un coffre où l'on rangeait les effets que l'on voulait emporter en voyage. Peu à peu le mot évolua pour désigner un sac où l'on transportait le courrier et la voiture conçue à cet effet, la malle-poste. C'est ainsi qu'au XVIIIe siècle le mot malle se transforma pour désigner, par métonymie, le courrier lui-même.

GLAMOUR est issu d'un ancien mot français qui nous a donné «grammaire» et «grimoire ». Au Moyen Âge, la grammaire latine était incompréhensible pour l'homme de la rue. Or, c'est à la même période, entre le XIIe et le XVIe siècles, que fleurirent les livres de magie. C'est ainsi que la grammaire latine (grammar en anglais) fut associée à des ouvrages obscurs, aux grimoires, puis à la magie et aux charmes qu'ils contenaient. La forme glamour est une déformation écossaise de l’anglais grammar.

FASHION est un anglicisme issu du français «façon», lui-même dérivé du latin facere, qui signifie « faire ». Au Moyen Âge, la cour du roi de France brillait par son raffinement. La « façon » désignait à l’époque le savoir-faire et le travail nécessaires à la réalisation des vêtements de luxe. Ce terme est d’abord arrivé jusqu’en Normandie, devenant au passage faichoun dans la langue d’oïl. Il a ensuite franchi la Manche au XIVe siècle, en même temps que les habits luxueux dont raffolaient les nobles anglais. Avec leur prononciation, ceux-ci l’ont déformé en « fashion ».

VINTAGE, de l’ancien français vendage, signifiant « vendange », fut d'abord employé pour désigner l'âge d'un vin, puis celui d'un champagne millésimé, avant de s'adjectiver et qualifier un meuble, un vêtement ou tout autre objet daté d’une certaine époque.

CASH, qui a peu à peu éclipsé le mot « espèces » dans les supermarchés, vient du français « caisse », du latin capsa (boîte).

CADDIE, qui désigne aujourd'hui un chariot de supermarché, est un nom de marque formé sur l’anglais caddy. Celui-ci, dérivé du français cadet, désignait à l'origine un « jeune homme cherchant à faire toutes sortes de besognes » et, plus précisément, un porteur au XVIIIe siècle. Peu à peu le terme s'est transformé pour désigner un « garçon affecté au service d'un joueur de golf, chargé de transporter son étui à clubs » puis, par métonymie, le chariot lui-même.

MARKETING, que le bon usage voudrait remplacer par «mercatique », est formé sur le mot anglais market, lui-même issu du français marché, un terme qui, au XIe siècle, qualifiait une « transaction », puis progressivement un « lieu où l'on vend des marchandises », c’est-à-dire une place de marché.

BACON vient de l’ancien français bacon, qui signifiait « viande de porc, flèche de lard salé ». Ce mot était lui-même issu du francique bacho, signifiant « lard, jambon ».

STANDARD est issu de l’ancien français estandart ou estandard (« étendard, enseigne de guerre »). Le passage au sens de « modèle, étalon de mesure » (d’abord de monnaie ou de poids) reste obscur. À partir de cet emploi le terme a pris les sens de modèle, exemple ou valeur moyenne de référence.

SUSPENSE a été emprunté à l’anglais, où il a le même sens mais signifie également « incertitude ». Le mot est issu du français suspens (« suspension, interruption »).

TICKET est un mot anglais signifiant « billet ». Il est lui-même issu de l’ancien français estiquet ou étiquet (« billet de logement, billet de témoignage écrit »).

TUNNEL est issu du moyen anglais tonel, lui-même issu de l'ancien français tonnelle, diminutif de tonne, qui évoquait la forme d’un tonneau (forme arrondie d’un tunnel)

HUMOUR a été emprunté à l’anglais humour, venant lui même du français humeur. À l’origine, le mot humeur avait un sens purement médical et désignait les liquides du corps humain. Le langage courant l’utilisa ensuite pour évoquer des émotions.

TENNIS provient de la prononciation anglaise du mot français « tenez », terme jadis utilisé au jeu de paume. Lors de l'engagement, le joueur devait prononcer « tenez ! ». La raison de la confusion sonore vient du fait qu’on disait à l'époque « tenèts ! » en prononçant le « s », ce que les Anglo-Saxons ont transformé en « tennis ».

MAGAZINE, emprunté à l’anglais, est dérivé du mot français magasin, lui-même issu du mot arabe makhzan, signifiant « dépôt, lieu de stockage, entrepôt ». C'est à Londres en janvier 1731 qu'apparaît pour la première fois une publication intitulée The Gentleman's Magazine.

BEEFSTEAK (francisé en bifteck ou biftec) est un mot anglais composé. Si steak est bien d’origine anglo-saxonne (quoiqu’issu du norrois steik, signifiant « rôti »), c’est la premiière partie du nom qui nous intéresse : beef est un mot d’origine française. Cela remonte à l’époque où la langue française était de rigueur dans la noblesse anglaise (après la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant). Le mot beef, issu de l’ancien français buef ou boef, désignait donc la viande de bœuf.

PONEY est une adaptation de l’anglais pony, lui-même issu de l’ancien français poulenet, diminutif médiéval de poulain.

HOBBY est l’abréviation anglaise de hobby-horse (« petit cheval, dada »), passé du sens concret à celui abstrait de « passe-temps ». Ce terme est lui-même issu de l’ancien français hobin (« petit cheval, aubin »), formé sur le verbe hober (« bouger, trotter »).

TOAST est, en anglais, dérivé du verbe to toast , qui signifie « griller, rôtir ». Celui-ci provient du vieux verbe français toster, qui avait le même sens.

FUEL (francisé en « fioul ») vient de l’anglais fuel (« combustible »), venant lui-même de l’ancien français fouaille, lequel désignait les abats de sanglier cuits au feu que l'on donnait aux chiens après la chasse (NB : le verbe fouer signifiait « chauffer au feu »).

EXPRESS est emprunté à l’anglais express, lui-même issu de l’ancien français expres (= exprès), du latin expressus, signifiant « exprimé nettement, bien articulé ».

MESS est emprunté à l’anglais mess, lui-même issu du moyen français mes (« mets »), qui désignait au Moyen Âge un plat cuisiné ou liquide (comme la bouillie ou la soupe), puis au XVe siècle un groupe de personnes mangeant ensemble.

PEDIGREE est emprunté à l’anglais pedigree, qui vient du français « pied de grue », expression utilisée pour désigner l'arbre généalogique d'un animal. En effet, schématiquement, un arbre généalogique ressemble à l'empreinte d'une patte de grue. Le terme « pied de grue » a été repris littéralement par les Anglais, qui en ont transformé la prononciation en « pedigree ».

PEOPLE (parfois francisé en pipeule, pipol ou pipole) est emprunté à l’anglais people, qui signifie simplement « gens », lui-même issu de l’ancien français pople (« peuple »), du latin populus.