L'ACCENT AIGU ET L'ACCENT GRAVE  


Un peu d’histoire…

Les trois accents sont apparus progressivement dans la langue française quand les caractères du latin ont semblé insuffisants pour rendre compte à l’écrit de la diversité des sons du français. Les éditeurs et imprimeurs de la Renaissance décidèrent alors d’utiliser des lettres « diacritiques », c’est-à-dire qui modifient la prononciation de la voyelle qui les précède.

À partir du XVIe siècle, des signes seront ajoutés au-dessus des lettres d’un mot pour apporter des précisions phonétiques : c’est une véritable innovation par rapport au latin, qui ne comporte pas d’accent. Le premier à voir le jour est l’accent aigu, confiné d’abord à la toute fin des mots. Peu à peu l’usage du grave et du circonflexe se répand.

Mais l’adoption des accents est loin de faire l’unanimité. Dans la première moitié du XVIIe siècle, il est beaucoup moins fréquent d’y recourir que quelques décennies plus tôt. Comme souvent dès qu’il s’agit du bon usage de la langue française, les débats parmi l’élite sont passionnés. Dès 1663, l’écrivain Corneille défend un emploi extensif de l’accent grave. Publié pour la première fois en 1694, le prestigieux Dictionnaire  de l’Académie française est plus réservé sur la question : il préconise de n’utiliser les accents que dans des cas de figure bien précis. Le "e accent aigu" n’a de place qu’à la fin d’un mot, par exemple.

En 1990, le Conseil supérieur de la langue française suggère de réduire l’usage de l’accent circonflexe. La proposition figure parmi un ensemble de mesures censées simplifier l’orthographe de la langue. Mais les amoureux des mots refusent cette réforme qui complique les choses et dénature ce beau patrimoine qu'est la langue française.

L’accent aigu en français

En français, on utilise l’accent aigu uniquement sur la lettre e. Le « é » se prononce comme un son fermé.

On utilise un accent aigu lorsque la voyelle « e » est la première lettre du mot. Exemples : ébriété, écurie, édredon, égarer, éjecter, élection, éminence, énamouré, épouser, équestre, érable, Ésope, étable, évident.

Exceptions :
-    les petits mots ÈRE – ÈS – ERS – EST
-    quelques noms propres : Ève, Èbre (fleuve espagnol), Èques (ancien peuple du Latium), Èvre (rivière du Maine-et-Loire), Èvres (commune de la Meuse), Èze (commune des Alpes-Maritimes)
-    les mots commençant par un « e » suivi d’une consonne double : effacer, ellipse, Emma, ennemi, erreur, essor, etc.
-    les mots commençant par es- suivi d’une consonne, comme escalier, esbroufe, esgourde, eskimo, espoir, esquinter, estomac, etc.
-    les mots commençant par ex- : exercice, express, extérieur, etc.

On utilise un accent aigu lorsque la voyelle « e » est la dernière lettre du mot, s'il ne s’agit pas d’un e muet. La marque du pluriel en -s ou du féminin en -e ne modifie pas cette règle. Exemples : un canapé, des canapés, un abonné, une abonné.

On peut mettre un accent aigu lorsque la voyelle « e » est placée entre deux consonnes. Exemples : ménage, préface, série, etc. L’accent aigu n’est pas systématique dans ce cas, puisqu’il peut également ne pas y avoir d’accent (exemples : relax, jeter, cerise) ou y avoir un autre accent (exemples : mêler, gène).

On met un accent aigu sur un « e » précédant une syllabe sans e muet. Exemples : immédiat, complément, général,  péril, etc.

On ne met jamais d’accent aigu sur un e qui précède un x (exemples : exercice, flexible), ni devant une consonne double (exemples : cesser, gamelle, aberration, etc.)

On met un accent aigu sur la dernière lettre des participes passés des verbes du premier groupe (exemples : mangé, donné) et sur le participe passé du verbe être : été.

On ne met pas d’accent aigu lorsque la voyelle « e » est l’avant-dernière lettre du mot et qu’elle est suivie de d , f , r ou z. Exemples : trépied, aéronef, hiver, nez.

On ne met jamais d’accent aigu sur les voyelles « e » précédant un « x », qu’il s’agisse du début, de l’intérieur ou de la fin du mot. Exemples : exact, inexact, index.

On ne met jamais d’accent aigu sur les voyelles « e » précédant des consonnes doubles. Exemples : airelle, serre, paresse, étiquette, etc.

L’accent grave en français

En français, seules les voyelles « e », « a » et « u » peuvent porter un accent grave. Si l’accent grave modifie la prononciation du « e », ce n’est pas le cas pour « à » et « ù » dont la prononciation reste identique.

L’accent grave sur le « e »

L’accent grave indique la prononciation d’un « e » ouvert, dont la notation phonétique est /ɛ/.

En début de mot, « è » est exceptionnel : ère, ès. On le trouve également dans quelques noms propres : Èbre, Ève, Èques, Èvre, Èvres, Èze.

À l’intérieur d’un mot, on met un accent grave sur un « e » précédant une syllabe contenant un « e » muet. Exemples : plèbe, intermède, collège, parallèle, thème, avènement, cèpe, fièrement, thèse, grève.

On ne met jamais d’accent grave sur la voyelle « e » précédant un « x ». Exemples : examen, flexion, sexe, codex.

On met un accent grave sur un « e » lorsque la deuxième lettre qui le suit est soit un « l », soit un « r ». Exemples : lèpre, lièvre, siècle, règle, trèfle.

Lors de la formation d’un dérivé dans lequel « è » n’est plus suivi d’un e muet, la lettre « e » reçoit un accent aigu. Exemples : thème donne thématique, arène donne arénicole, collège donne collégien, etc.

NB : en dérogation à cette règle, le Conseil supérieur de la langue française a proposé en 1990 une régularisation de l’accent sur certains mots dérivés tels que allègement, crèmerie, hébètement, règlementation, sècheresse, etc., pour tenir compte de leur prononciation usuelle.

À la fin d’un mot, on met un accent grave pour les mots se finissant par un « s » lorsque celui-ci n’est pas la marque du pluriel d’un mot terminant en « é ». Dans cette position, que la lettre « s » soit sonore ou non, l’accent grave sur le « e » permet d’éviter une prononciation fautive ou une ambiguïté :

- « s » muet : abcès, accès, après, auprès, congrès, cyprès, décès, dès, excès, exprès, lès, près, procès, progrès, succès, très.

- « s » sonore : aloès, cacatoès, ès, faciès, florès, herpès, palmarès.

Enfin, le « e » final peut porter un accent grave dans le cas de mots empruntés directement au grec ancien : atè, épistémè, korè, koinè, psychè.

L’accent grave sur le « a »

L’accent grave sert à différencier certains petits mots :

- « a » (du verbe avoir) et « à » (préposition)
- « la » (pronom ou article) et « là » (adverbe de lieu).
- « çà » (adverbe dans l’expression « çà et là ») et « ça » (pronom démonstratif).

On met toujours un accent grave pour delà, au-delà, deçà, déjà, holà, voilà, mais jamais pour le pronom cela.

L’accent grave sur le « u »

L’accent grave n’est utilisé sur la lettre « u » que dans le pronom interrogatif ou relatif « où » pour le distinguer de la conjonction de coordination « ou ».