MOTS À DEUX OU PLUSIEURS ORTHOGRAPHES POSSIBLES   

Le français a toujours été une langue vivante. Certains mots peuvent s’écrire de deux ou plusieurs façons tout en gardant la même signification. Cela s’explique par le fait que l’orthographe n’a pas toujours été fixée et que certains formes ont perduré en parallèle.

C’est d’autant plus vrai depuis que l’Académie Française a, un beau jour, décidé de réformer l’orthographe pour la rendre plus simple. Résultat, aujourd’hui, de nombreux mots ont officiellement deux graphies possibles : l’une héritée de l’histoire, l’autre instituée par nos « simplificateurs ». Pas sûr que cela ait simplifié la tâche des correcteurs !

Voici quelques exemples de mots de la langue française qui peuvent s’écrire de deux ou plusieurs façons.

ailloli/aïoli
Ce mot d’origine provençale est formé à partir des mots ai (ail) et oli (huile). Aïoli serait la version occitane, et ailloli l’orthographe catalane. Un dictionnaire nous donne l’origine de ces deux graphies : « 1744 « sauce à base d'ail pilé et d'huile » (Gillart, Dict. fr.-bret. ds Quem. t. 1 1959 : en gascon, aillolli)]; 1838 aillolis « id. » (Ac. Compl. 1842). Emprenté au provençal moderne aioli (Mistral t. 1 1879) « id. » composé du provençal moderne ai « ail » et oli « huile ». La forme ailloli(s) est une francisation graphique pour préserver la prononciation provençale et faire sentir la parenté morphologique avec ail. 

bistro/bistrot
Les deux graphies sont apparues à la fin du XIXe siècle, à quelques années d’écart (bistrô en 1882, bistrot en 1892). L’étymologie la plus répandue est une adaptation du russe bistro signifiant « vite ». Selon l’anecdote, les cosaques occupant Paris en 1814-1815 prononçaient ce mot pour être servis plus rapidement au cabaret (origine finalement écartée par les linguistes pour des raisons chronologiques). Mais cette version est controversée.

boëtte/boette/boëte/bouette/boitte
Du mot breton boued signifiant « nourriture », ce mot désigne, chez les pêcheurs, un appât pour attirer le poisson.

cacahuète/cacahouète
L’orthographe traditionnelle « cacahuète » est la transposition de l’espagnol cacahuete, qui signifie arachide. Cacahuete vient lui-même de l’aztèque cacahuatl, qui a donné cacao. Cacahuète n’a longtemps eu qu’une seule orthographe, jusqu’à ce que l’Académie Française décide en 1990 d’autoriser la version « cacahouète », sans doute pour rapprocher la graphie de la prononciation comprenant le son [u].

casher/cachère/casher/kascher/kasher
Cet adjectif invariable est l’adaptation d’un mot hébreu signifiant « convenable ». Il se dit d’un aliment autorisé par la loi mosaïque. Mais pourquoi autant de graphies possibles ?

clé/clef
La graphie « clé » est la plus courante. Elle est d’usage notamment en serrurerie, en bricolage, en stratégie militaire, ainsi qu’en informatique (ex : clé USB). Elle est également utilisée au sens d’élément essentiel dans les mots composés tels que mot-clé, position-clé, témoin-clé, avec ou sans trait d’union. L’ancienne graphie maintient le F muet, hérité du V de clavis en latin. Elle se rencontre surtout en musique (clef de sol), ainsi que dans l’expression « clef de voûte », utilisée en architecture.

cuillère/cuiller
Du latin cochlearium (ustensile servant à manger les escargots), le mot « cuiller » a connu de nombreuses évolutions depuis le XIIe siècle : culier, coller, cuillier, cuiller, cuillière, puis cuillère dès la fin du XVIIIe siècle.

fantasme/phantasme
Ce mot d’origine grecque, qui signifiait « vision », s’écrivait avec « ph ». « Fantasme », sans doute influencé par fantôme, s’est progressivement substitué à l’ancienne graphie.

feignant/fainéant
Participe présent du verbe feindre (rester inactif, paresser), « feignant » désignait à l’origine quelqu’un qui faisait semblant de mettre du cœur à l’ouvrage. Le mot a été altéré au XIVe siècle en « fainéant », par rapprochement avec fait (faire) et néant. Les deux formes ont perduré jusqu’à nos jours mais « fainéant » est sans doute plus fréquent.

gnôle/gnole/gnaule/gniôle/gniole/niaule/niôle
Mot franco-provençal désignant toute bonne eau-de-vie, mais aussi parfois une eau-de-vie de mauvaise qualité (sens péjoratif).

Irak/Iraq - irakien/ iraquien
La graphie « Iraq », transcrite de l’arabe ou empruntée à l’anglais, tend à se répandre, d’où les variantes « iraquien », « iraqien » et même « iraqi ». L’arrêté français du 4 novembre 1993 relatif à la terminologie des noms d’État et de capitale recommande « Iraq », avec « Irak » en variante, et « Iraquien » comme seul gentilé.

nénuphar/nénufar
Le mot vient du latin médiéval nenuphar qui l’emprunta à l’arabe nînûfar. Il y a quelques années une grande réforme de l’orthographe menée par l’Académie Française changeait ce mot initialement écrit avec « ph » en nénufar. Les deux formes sont désormais acceptées. En fait, les anciens dictionnaires donnaient les deux orthographes (nénufar et nénuphar). L’Académie française, qui admettait seulement la première forme, avait abandonné « nénufar » dans son édition de 1935 pour adopter exclusivement « nénuphar ». La réforme de 1990 sur les rectifications orthographiques est revenu à la graphie initiale de « nénufar » et préconise le retour à cette orthographe, du fait de l’origine arabo-persane du mot.

oignon/ognon
Si le mot, issu du latin unionis, a pu s’écrire « ognon » au XIVe siècle, c’est bien la forme « oignon » qui est depuis longtemps en usage dans tous les bons dictionnaires. Sauf que, depuis les rectifications orthographiques du français de 1990, on a complètement le droit d’écrire « ognon ». Mais qui le fait vraiment ?

orang-outan/orang-outang
Le mot vient du malais orang hutan signifiant « homme de la forêt ». Désignant à l’origine tout les races indigènes, c’est par erreur qu’il a été appliqué au singe par les Européens. Il s’est répandu dans la langue française au XVIIIe siècle sous la forme « orang-outang », parfois sans le « g » final.

paie/paye – paiement/payement
Le verbe payer a produit deux noms : « paie » et « paye ». Mais attention ! : « paie » se prononce "pè" alors que « paye » se prononce "peille". On aurait tort de penser que la forme paye est désuète et que paie est l’orthographe moderne. L’une et l’autre sont utilisées indifféremment. En revanche, paiement est aujourd’hui bien plus fréquent que payement.

pizzéria/pizzeria
Emprunt direct à l’italien pizzeria, le terme a récemment été francisé avec un accent aigu. À servir au choix.

resurgir/ressurgir
Formé à la base par le préfixe « re » accolé au verbe « surgir », resurgir ne prenait qu’un seul S. Cette exception à l’éternelle règle du double S entre deux voyelles étant assez perturbante, l’orthographe « ressurgir » est désormais acceptée.

rösti/rœsti
Cette spécialité suisse (galette de pomme de terre râpées rissolée à la poêle) peut s’écrire indifféremment sous sa forme germanique rösti (issu du suisse allemand röschti) ou sous sa forme francisée rœsti.

saoul/soûl
Du latin satullus (« rassasié »), « saoul » était l’orthographe première. Néanmoins, « soûl » a été rapidement admis par l’Académie Française, faisant disparaître le « a » au profit d’un accent circonflexe.

tsar/tzar/czar/csar – tsarine/tzarine/czarine
Le Z est hérité de la forme polonaise czar, tandis que le S provient du russe tsar, lui-même emprunté au latin caesar (empereur), qui a par ailleurs donné kaiser en allemand. En français, les variantes « czar », « csar » et « czarine » existent mais ne sont plus utilisées. « Czarine » était encore d’actualité à la fin du XIXe siècle, comme le montre la partition de chanson ci-dessous, créée à l’époque de l’alliance franco-russe.


tzigane/tsigane
Le mot a été emprunté au hongrois czigany (probablement issu du grec byzantin atsinganos). La graphie « tzigane » est la plus courante.

yaourt/yogourt/ yoghourt
Ce nom vient du bulgare yogurt, lui-même emprunté au turc. La forme « yaourt » est la plus fréquente en français de France, mais on emploie plutôt « yogourt » ou « yoghourt » en Suisse, en Belgique et au Québec.