LE PLURIEL EN FRANÇAIS  

La normalisation orthographique est très récente, postérieure à la Révolution française. Auparavant, le même mot pouvait supporter plusieurs formes de pluriel, y compris sous la même plume : avec un S, un X, parfois un Z, avec ou sans altération de la terminaison. Si le S s'est imposé comme règle, il subsiste cependant des exceptions. Un œil, des yeux : voilà l’exemple parfait de l’exception à la règle du pluriel en S !

Mais que de bizarreries ! On construit des bateaux dans un arsenal ou un chantier naval, mais s’il y en a plusieurs, on parlera d’arsenaux et chantiers navals. Le ciel au-dessus de nos têtes devient cieux au pluriel, mais un logiciel donne plusieurs logiciels. On monte à cheval sur des chevaux, mais ce chacal aboie comme le font tous les chacals. Ainsi, en français, il existe différentes règles pour former le pluriel des noms et des adjectifs, et toujours des exceptions qui confirment ces règles, ce qui constitue souvent un casse-tête.

1) Ajout d’un S
2) Ajout d’un X
3) Changement de la finale -al en -aux
4) Aucun changement
5) Changement partiel de forme
6) Changement complet de forme
7) Mots changeant de genre au pluriel
8) Pluriel des mots d’origine étrangère

1) Ajout d’un S

La façon la plus courante de former le pluriel des noms est d’ajouter un S à la fin de leur forme au singulier :

un ami / des amis
un chat / des chats
une plante / des plantes

Cependant, certains mots n’obéissent pas à cette règle. Les mots terminés en -ou suivent souvent la règle générale en S, comme trous, fous ou clous, mais certains ont partiellement résisté à la normalisation orthographique et ont adopté un pluriel en X. La liste des noms formant le pluriel en –oux est bien connue des écoliers :

un bijou / des bijoux
un caillou / des cailloux
un chou / des choux
un genou / des genoux
un hibou / des hiboux
un joujou / des joujoux
un pou / des poux
un ripou / des ripoux (NB : ripou/ripoux est un ajout récent)

Les noms se terminant par -ail prennent un S dans leur forme régulière, comme détails, bétails ou chandails, mais certains voient leur finale changée en –aux. Les plus courants sont :

un bail / des baux
un corail / des coraux
un émail / des émaux
un soupirail / des soupiraux
un travail / des travaux
un ventail / des ventaux
un vitrail / des vitraux

Le mot « ail » présente la particularité de pouvoir faire son pluriel de deux manières différentes : un ail / des aulx (prononcer : « ô ») est la forme traditionnelle, tandis que un ail / des ails s'applique normalement uniquement à la plante au sens d’espèce du genre Allium. Cependant le pluriel « aulx » est de plus en plus souvent ignoré au profit de « ails », qui tend à être utilisé dans tous les cas de figure.

Les noms « œuf » et « bœuf » ont une particuarité phonétique : au singulier, on prononce le « œu » mi-ouvert, soit [œf] et [bœf], tandis qu'au pluriel, le « œu » est fermé et le f est muet : [ø] et [bø].

2) Ajout d’un X

On ajoute généralement un X aux noms se terminant par -au, -eau, -eu et -œu.

un tuyau / des tuyaux
un chameau / des chameaux
un neveu / des neveux
un vœu / des vœux

Faisant exception à cette règle, les noms suivants prennent un S au pluriel :

un landau / des landaus
un sarrau / des sarraus
un bleu / des bleus
un pneu / des pneus
un émeu / des émeus

3) Changement de la finale -al en -aux

La finale des noms en -al est le plus souvent changée pour -aux au pluriel.

un cheval / des chevaux
un animal / des animaux
un canal / des canaux

Seule une minorité de mots français en -al ont leur pluriel en -als au lieu de -aux. Il s’agit pour la plupart de noms sans forme féminine, parfois d’adjectifs, ou bien de mots qui doivent leur finale en -al à une étymologie différente (emprunts à l’anglais, par exemple) :

Noms : aval, bal, bancal (sabre de cavalerie), cal, cantal, caracal, carnaval, cérémonial, chacal, copal, corral, emmental, emmenthal, étal, festival, final (partie finale d’une pièce musicale), floréal, gavial, kraal, marshal, mistral, narval, nopal, pal, pascal (l’unité), penthotal, prairial, quetzal, récital, régal, rial, rorqual, santal, saroual, serval, sial, sisal, tergal, tincal, trial, val (sauf dans l’expression par monts et par vaux).

Adjectifs : banal, bancal, fatal, natal, naval (et ses composés comme aéronaval).

Cas particuliers : l'adjectif « banal » est régulier dans son sens habituel, synonyme de « ordinaire » (= des objets banals), mais il dispose également d'un pluriel en « banaux » eu égard son sens d'origine, c’est-à-dire relatif au ban médiéval.

4) Aucun changement

Certains noms ne changent pas de forme au pluriel. Il s’agit de noms se terminant par S, X ou Z :

un poids / des poids
une souris / des souris
un prix / des prix
un silex / des silex
un gaz / des gaz
un nez / des nez

Lorsque le pluriel s'écrit comme le singulier, sa prononciation est en général identique à celle du singulier. Il y a une exception : le nom « os » se prononce avec un O ouvert et un S au singulier ([Cs]), mais le O est fermé et le S muet au pluriel ([o]).

Certains noms ne s’emploient qu’au pluriel : ils ne changent donc jamais de forme. C’est le cas, par exemple, des noms suivants : gens, fiançailles, funérailles, représailles et victuailles.

5) Changement partiel de forme

Certains noms particuliers n’obéissent pas aux règles présentées plus haut, mais leurs formes au singulier et au pluriel se ressemblent tout de même. Historiquement, ces noms étaient formés de deux mots distincts. Cela permet de comprendre pourquoi ils changent ainsi de forme au pluriel :

madame / mesdames
mademoiselle / mesdemoiselles
monsieur / messieurs
monseigneur / messeigneurs
un bonhomme / des bonshommes

Certains noms ont deux formes possibles au pluriel, chacune ayant un sens différent. Le pluriel de « aïeul » est « aïeuls », lorsqu’il signifie grands-parents, et « aïeux », lorsqu’il signifie ancêtres. Le pluriel de « ciel » est « cieux », dans la plupart des cas, et « ciels » dans certains cas en poésie, en peinture, en météorologie ou encore lorsqu’il désigne un objet : un ciel de lit / des ciels de lit (dais, baldaquin).

6) Changement complet de forme

Le nom « œil » change complètement de forme au pluriel pour devenir « yeux ". Le pluriel « œils » existe dans quelques cas rares avec un sens spécialisé, ainsi que dans les noms composés suivants :

un œil-de-bœuf (lucarne) / des œils-de-bœuf
un œil-de-chat (pierre fine) / des œils-de-chat
un œil-de-perdrix (cor) / des œils-de-perdrix
un œil-de-tigre (pierre fine) / des œils-de-tigre

7) Mots changeant de genre au pluriel

Les noms « amour », « délice » et « orgue » peuvent changer de genre lorsqu’ils changent de nombre :

AMOUR a un pluriel régulier (amours), mais il change généralement de genre et passe au féminin : « des amours débutantes », « les premières amours ». La forme masculine (amours débutants) est également attestée et tend à supplanter la forme irrégulière.

DÉLICE présente la même particularité : « c'est un délice » ; « des délices infinies ».

ORGUE est masculin lorsqu’il désigne un seul instrument de musique, mais devient généralement féminin au pluriel quand il désigne cet instrument de manière emphatique (« les grandes orgues de cette cathédrale »). Il reste au masculin s'il désigne plusieurs instruments courants (« les orgues électroniques sont très prisés des musiciens amateurs »).

8) Pluriel des mots d'origine étrangère

Les mots perçus comme des emprunts lexicaux peuvent toujours former leur pluriel suivant la règle de base, c’est-à-dire en ajoutant un S : un duo / des duos.

Les noms d’origine étrangère terminés en S, X ou Z ne changent pas de forme lorsqu’ils sont mis au pluriel en français : miss, terminus, blues, jukebox, remix, quiz, kibboutz, etc.

Beaucoup d'emprunts admettent également, en plus du pluriel en S, le pluriel de la langue d’origine, qui est plus ou moins courant suivant les mots et, dans certains cas, suivant le contexte d'emploi. On trouve ainsi, par exemple :

de l’italien : un scenario / des scenarii - un soprano / des soprani

de l’anglais : une lady / des ladies - un match / des matches - un gentleman / des gentlemen - un rugbyman / des rugbymen (faux anglicisme)

de l’allemand : un lied / des lieder - un Land / des Länder

de l’espagnol : un conquistador / des conquistadores

du latin : un maximum / des maxima - un erratum / des errata - un tumulus / des tumuli

de l’hébreu : un goy / des goyim - un kibboutz / des kibboutzim

À noter que les mots latins passés dans le langage courant ne prennent pas la marque du pluriel quand ils sont composés de deux mots, avec ou sans trait d’union (et s’écrivent sans accent) : des a priori, des curriculum-vitae, des ecce homo, des ex-voto, des in-quarto, des post-scriptum, des vade-mecum, des mea-culpa, etc. C’est également le cas pour certains mots latins, notamment des mots de prières et d'hymnes : des exeat, des Pater, des Ave, des Ave Maria, des Credo, des Gloria, des Te Deum, etc. Toutefois, l'Académie écrit : des bénédicités, des alléluias.

Remarquons enfin que certains noms empruntés à une langue étrangère dans leur forme plurielle deviennent singulier en français, et sont donc susceptibles d’avoir un pluriel régulier en S. C’est le cas, par exemple de :

blini, zakouski, pirojki (du russe)
graffiti, paparazzi, ravioli, confetti, spaghetti (de l’italien)
média, duplicata (du latin)
moudjahidin (de l’arabe)